Abstract Les informations collectées au cours de cette étude mettent en relief un certain nombre de résultats significatifs :
Dans les 12 sites retenus par l'étude, il a été dénombré 25.882 ménages dont près de deux sur trois sont dirigés par les femmes (65%) et 35% par les hommes. La population totale des sites est de 119.367 individus. De fortes concentrations humaines sont observées à Habile (25% de la population totale), Goz Bagar (11,4%), Gouroukoun (10,4%), Aradib (10%) et Gassiré (09%). Parmi ces villages, le poids des ménages est important à Habile, Goz Bagar, Gouroukoun et Gassiré qui comptent respectivement 22,2%, 12,7%, 10,7% et 10% des ménages recensés. La taille moyenne des ménages est de 4,6 personnes. Trois sites présentent des tailles moyennes très élevées : Aradib (5,3), Koubigou et Habile (5,2 personnes en moyenne chacun). La proportion des ménages qui ont déclaré avoir au moins un membre souffrant d'un type de handicap est de 17,3%, soit 4.488 ménages.
Les déplacés internes présentent un profil divergent au niveau de leurs caractéristiques sociales, démographiques et culturelles. Concernant l'origine sociale des personnes déplacées, la répartition des personnes déplacées selon l'ethnie indique que près de 63% sont Dadjo, 27,2% Masalit. Ces deux ethnies représentent 90% de l'ensemble des personnes déplacées. Les autres groupes sont minoritaires. Il s'agit principalement des Maba (3.9%), des Kadjaksé (2.0%) et des Moubu (2.4%). Concernant la répartition des enquêtés par sexe et par groupe d'âges, on constate que la population enquêtée est majoritairement constituée de femmes. La répartition des déplacés enquêtés selon le sexe et les différents groupes d'âges donne un rapport de masculinité de 61.1%, c'est-à-dire en moyenne 61 hommes pour 100 femmes. On constate, au niveau global, une grande diversité socioculturelle à travers la multiplicité de groupes ethniques en présence.
La structure de la population enquêtée selon l'état matrimonial montre que seulement 9.4% sont célibataires. Les résultats montrent également que la moitié de cette population est constituée de personnes monogames (51.1%) alors que les polygames représentent environ un quart des enquêtés (25.8%). Moins d'un enquêté sur dix était veuf ou veuve (8.8%). Plus de la moitié des femmes interrogées sont dans une union monogamique (52,6%) contre seulement 18,6% en union polygamique. Chez les hommes, au moment de l'enquête, plus de deux hommes sur cinq étaient monogames (48%). On dénombre près de 5% des enquêtés qui ont divorcé ou qui sont en instance de séparation.
Globalement, on constate que parmi les personnes déplacées, il existe des disparités entre les hommes et les femmes en matière d'instruction. A un niveau d'instruction donné, la proportion des hommes reste toujours supérieure à celle des femmes. La répartition de la population selon le niveau d'instruction montre que le niveau d'analphabétisme est relativement important chez les déplacés. Plus de la moitié de la population est sans niveau d'instruction, soit 55,8%, avec une forte proportion de femmes. Les personnes non instruites, c'est-à-dire celle qui n'ont ni été au moins à l'école primaire, ni été à l'école coranique, représentent 33.7% chez les hommes et 67.6% chez les femmes. Dans l'ensemble, la population instruite est très faible (environ 5%). La proportion des personnes ayant le niveau de l'école coranique est relativement importante au sein des femmes et des hommes, soit respectivement 28.2% et 59.9%, bien qu'elle soit majoritairement constituée d'hommes. La répartition des enquêtés selon l'occupation principale montre que l'agriculture est une activité prédominante au sein de cette population. En effet, 66.3 % des enquêtés exercent cette activité dans les zones de l'étude. Signalons que le commerce est une activité exercée principalement par les hommes, bien qu'il s'agisse d'une activité marginale, occupant seulement 3.7% des enquêtés.
La plupart des enquêtés (83,4%) ont quitté leurs villages d'origine pour venir trouver asile dans le site des déplacés. Quant aux autres (16,6%), ils ont d'abord transité par un autre site avant d'être installés dans l'actuel. L'observation du lieu de résidence antérieur montre que le nombre de déplacés ayant quitté directement leurs villages d'origine reste prédominant quel que soit le site considéré. A Boundjang, pratiquement toutes les personnes interrogées ont suivi cet itinéraire. Par contre, les sites de Gouroukou et Koubigou se singularisent par le fait qu'ils hébergent un nombre important de déplacés venus d'autres sites (29,4% et 37,3% respectivement), contrairement aux sites de Goungour et Kerfi qui n'en comptent que très peu (1,4% et 1,6%). Dans plusieurs sites, la majorité des déplacés venus de leur milieu de résidence habituel est constituée par les femmes.
Concernant les causes de déplacement du lieu de résidence antérieur, 89% des enquêtés évoquent l'attaque des villages par les Janjaweeds et 6,6% les cas de conflits intercommunautaires. Les attaques des Janjaweeds conditionnent davantage les déplacements à Goungour (98,1%) et à Goz Bagar (96,4%). Les femmes sont plus nombreuses (90,2%) que les hommes (86,9%) à évoquer cette cause comme élément déclencheur de leur départ vers les sites des déplacés. Par ailleurs, les attaques des Janjaweeds ont poussé les Zagawa (100,0%), les Masalit (94,4%), les Moubu (93,7%) et les Dadjo (89,6%), plus que les membres d'autres groupes ethniques, à quitter leurs villages ou sites de transit pour des sites sécurisés. La recherche des conditions sécuritaires a largement contribué au choix des sites de Koloma (70,8%), Boundjang (67,1%) et Alacha (62,7%). Quant au regroupement familial, il a plus pesé pour le choix d'Abdi (54,8%) et de Goungour (48,6%). Il importe de souligner que les pertes subies par les déplacés sont énormes, étant donné qu'elles concernent plus de la moitié des personnes interviewées dans les sites, quel que soit le type de bien considéré. Parmi les pertes, on retrouve principalement les biens (86% des victimes) et les champs (81%). Les pertes en vies humaines sont aussi importantes et appellent des mesures sécuritaires très efficaces à l'égard des populations encore en situation de guerre ou de conflit social.
Lorsqu'elles se déplacent, les victimes ne sont pas suffisamment renseignées sur la situation sécuritaire et la vie des autres membres de la famille dans le village d'origine. Ce qui peut susciter en eux un sentiment de méfiance quant à la possibilité de retourner dans leurs localités d'origine. En outre, très peu d'enquêtés (7,0%) déclarent que leurs parents vivent encore au village. Les informations sur la situation sécuritaire sont relatives à la persistance de l'insécurité
On s'aperçoit qu'en dehors du recensement (dénombrement) des déplacés réalisé lors de l'enquête UNHCR-UNFPA-IFORD, d'autres opérations similaires ont été organisées auparavant dans les sites d'installation des déplacés. Huit personnes sur dix (80,4%) y ont participé. Le taux de participation le plus élevé est observé à Gouroukou (95,3%). Il est également élevé à Koloma (89,9%) et Koubigou (87,3%) mais très faible à Kerfi (31,4%) et Abdi (55,8%). Pour ce qui est des recensements organisés par les agences humanitaires, ils sont signalés surtout à Abdi (97,6%) et Gassiré (88,2%) mais moins évoqués à Kerfi (18,8%), Alacha (27,4%) et Boundjang (37,0%). Le site d'Abdi se singularise par le fait qu'il ne connaît pas d'autres opérations de dénombrement des déplacés, en dehors de celles organisées par les agences humanitaires.
Dans les sites d'accueil des déplacés, les conditions de vie sont loin d'être les meilleures. C'est ce qui justifie l'assistance multiforme que leur apportent les ONGs internationales, les agences des Nations Unies, le gouvernement, les ONGs locales, la communauté hôte, les confessions religieuses et les initiatives privées. Les principaux secteurs d'assistance sont : l'assistance en vivre (92%), l'assistance non alimentaire comme les bâches (86 %), les kits d'eau (72 %), L'assistance en soins et médicaments (39%), les terres cultivables (6 %), le crédit (4 %) et le bois de chauffe (2 %). Les conditions d'habitat dans les sites sont très précaires en général. Moins de 2 personnes sur 10 estime que leur habitat est acceptable et 11 % de déplacés interrogés n'ont pas d'abri, quel que soit le sexe (Tableau 5.4). C'est à Koloma et à Koubigou que l'on enregistre la plus forte proportion de chefs de ménage sans abri (environ 18 %). Environ un déplacé interrogé sur 10 (13 %) a reçu un lopin de terre de la communauté hôte pour cultiver (Tableau 5.5). Bien que la différence ne soit pas assez marquée, on peut noter que la proportion des personnes ayant accès à la terre est légèrement plus élevée chez les femmes que chez leurs homologues masculins. Au sein de cette fraction, 9 déplacés sur 10 ont déjà cultivé la terre. C'est à Abdi que l'on enregistre la plus forte proportion des personnes déplacées internes ayant reçu un lopin de terre (64 %), suivi de Goungour (41 %).
Les déplacés ont plus recours au centre de santé du site lorsqu'ils sont malades. Près de 6 déplacés sur 10 s'y rendent en cas de maladie. Les femmes y ont plus recours que les hommes (64 % contre 57 %). Les déplacés pratiquent aussi l'automédication en cas de maladie. En effet, 9 % d'entre eux déclarent procéder à ce moyen pour se soigner. On note une fréquentation différentielle des lieux de soin selon le site. Abdi et Habile sont les deux sites enregistrant le moins de personnes déclarant fréquenter les centres de santé du site en cas de maladie (18 %).
La scolarisation des enfants dans les sites n'est pas régulière. Seuls 4 déplacés enquêtés sur 10 affirment que leurs enfants vont à l'école. La principale raison avancée pour l'absence de scolarisation des enfants sur les sites est le manque d'école. Les besoins en eau potable ne sont pas entièrement satisfaits dans les sites. Près de 3 personnes sur 10 n'ont pas accès à l'eau potable. Ces dernières se ravitaillent soit dans les puits traditionnels (58 % d'entre elles), soit dans les eau de surface (19 % d'entre elles) ou encore dans les forages (24% d'entre elles). La difficulté d'accès à l'eau potable semble plus marquée dans les sites d'Abdi et Goungour où la quasi-totalité de la population de ces sites n'a pas accès à l'eau potable (95 %). Les femmes et les filles sont souvent victimes de violence sexuelles. Ces violences sont plus déclarées dans certains sites, à savoir Koubigou (36 %), Boundjang et Gouroukoun (20 %), Aradib (18 %) et Goungour (16 %). A propos de la participation à la vie communautaire, la moitié des enquêtés (49,2%) participent à la vie communautaire de leur site. Dans 6 sites, ce degré de participation est faible (en dessous du niveau global). Il s'agit de Aradib, Habilé, Koloma, Gouroukoun, Gasiré, Kerfi et Koubigou. Comme on peut le constater, il s'agit des sites spontanés du côté de Goz-Beida et de Koukou. En revanche dans les sites du côté de l'Assoungha, le degré de participation des personnes déplacées à la vie communautaire est plus important (plus de 76%). Ce résultat peut s'expliquer en partie par le fait qu'ici, les personnes déplacées vie avec les communautés hôtes qui les ont accueillis sauf Goz-Bagar qui est aussi un site spontané même si le résultat révèle une parfaite participation de la population à la vie communautaire. Le dynamisme du chef des chefs des villages qui vivent dans ce site est un élément qui explique cette bonne intégration communautaire ici comparativement à ce qu'on a observé dans les sites du département de Dar Sila. Quel que soit le site considéré, la non-participation à la vie communautaire du site/camp est plus manifeste chez les femmes que chez les hommes. Cette participation inégalitaire aux activités de la communauté est plus marquée dans les camps de Gassiré et de Kerfi où environ 30 points d'écart séparent les deux sexes. Les hommes se montrent plus intéressés que les femmes par les sujets tels que l'école/éducation, la sécurité et la religion, alors qu'en revanche, les femmes se préoccupent plus des questions de conflits ethniques et de gestion des ressources. Dans l'ensemble, 44,4 % des personnes déplacées à l'Est du Tchad ont l'intention de retourner dans leurs villages d'origine. Cette intention est plus ressentie à Koubigou (62%), à Gourounkoun (57,1%) et à Habile (51,6%). Ces intention de retour varient selon le statut social dans le manage, l'ethnie et le sexe. Ce sont les hommes qui souhaitent le plus retourner dans leurs villages d'origine. Les Hajara ne comptent pas quitter le site d'accueil. Les proportions de déplacés qui ont l'intention de retourner dans leurs villages d'origine augmentent avec le niveau d'instruction formelle. Le retour reste principalement motivé par le rétablissement de la sécurité dans les villages d'origine (83,9%) et le manque de terre cultivable dans le site (12,2%).
Compte tenu de ces résultats, il est important de mettre en œuvre des programmes visant la protection des populations déplacées et l'amélioration de leurs conditions de vie.
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